Homélie du dimanche 10/12

« Une chose ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul
jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour ».
Quand nous voyons les malheurs des temps, les horreurs des guerres
et les mauvaisetés des hommes (moi y inclus), il nous semble que les
jours sont des millénaires. Pourquoi le Seigneur tarde-t- il ? Ne
pourrait-il pas se presser, descendre du Paradis, régler tout ça : Il voit
bien que nous n’y arrivons pas, que c’est le froid la nuit qui
progressent : même les jours raccourcissent. « Ah, si tu déchirais les
cieux ! » (Is 63, 19)
Et en même temps, quand nous regardons de plus près,
généralement pas les malheurs (terribles) du bout du monde, mais ma
vie à moi, on en vient à espérer que les jours soient bien des
millénaires. Car Celui qui vient, et ses œuvres avec Lui, c’est tout de même
le Juste Juge, certes bon, miséricordieux et parfaitement juste. Alors,
pour combler les ravins, pour abaisser les montagnes et les collines qui
empêchent notre vie d’avancer droit vers le Seigneur (c’est-à- dire qui
empêchent le Seigneur de venir à moi : oh, qu’Il me laisse tranquille),
nous n’avons pas de temps en trop.
Au fond, qui attend qui, à la fin ? Nous, nous attendons la venue du
Seigneur, le consolateur de son peuple, celui qui se rend présent à ses
enfants pour les tenir dans ses bras. Mais nous savons que c’est une
attente qui ne sera pas déçue, puisqu’elle est déjà réalisée : Jésus, le Fils
de Dieu, Lumière née de la Lumière, est déjà né pour notre salut il y a
deux mille ans. Pas de crainte à avoir de ce côté-là. Il viendra à
nouveau, nous en sommes d’autant plus sûr qu’Il est déjà venu, il
connaît le chemin, il n’a pas besoin d’une carte ni d’être boy-scout
pour la lire : « Nous attendons ta venue dans la gloire » – venue et
gloire que nous avons déjà vues dans la nuit où Dieu s’est fait homme.
Dieu aussi nous attend. Et c’est pourquoi il est patient, infiniment
patient, mille fois patient, comme le rappelle saint Pierre : Il nous laisse
du temps. Ce jour du Seigneur, où tout sera dissous, ciel et terre, Il sait
qu’il nous fait peur, parce que nous n’aimons pas les nouveautés
radicales et la lumière éblouissante du jour.

Le Seigneur attend. Il nous avertit, sans cesse : voici que j’envoie mon
messager en avant de toi, jamais comme nous l’attendrions : et il faut bien
avouer que Jean-Baptiste, avec son accoutrement bizarre, ne fait pas
très sérieux – et c’est un homme habillé de robe et vêtu en violet qui
vous le dit (rien de nouveau dans la mode). Il nous dit quoi faire,
doucement, comme un berger : ce n’est pas lui qui nous forcera la
main : amour et vérité, justice et paix, dans notre vie qui n’y correspond pas
toujours…
Et pourtant, son attente, à Lui aussi, elle est sûre et certaine : Il ne
sera pas déçu par nous. Il le sait, Il nous a créés, Il nous a sauvés de la
mort et de la nuit, en nous donnant son Fils, qui nous baptise dans
l’Esprit-Saint. Il sait qu’Il nous aura tous autour de Lui, invités au repas
du Seigneur, puisque nous y sommes déjà, là, où il va se rendre présent
une nouvelle fois, au milieu de nous.
« Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution », notre monde
imparfait, ses misères et ses peines, qui, comme nous, vieillissent et
meurent, « vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans
la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du
jour de Dieu ». Nous savons où nous allons : là où, les cieux et la terre
ayant fondu, nous n’aurons plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la
lumière du soleil pour nous éclairer, car le Seigneur Dieu nous illuminera, et
nous règnerons pour les siècles des siècles (Ap 22, 5).
« C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour
qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix ». Alors, en
attendant que tout cela soit parfaitement accompli, et que nous
puissions chanter « celui qui vient au nom du Seigneur » pas seulement
deux minutes à la messe le dimanche, entraînons-nous et veillons : en
reconnaissant, en effet, que nous en sommes pas dignes de nous
abaisser pour défaire la courroie de ses sandales (puisque c’est Lui qui
s’abaisse à nos pieds et les lave) ; en recevant en effet sa consolation, sa
lumière et sa force, en acceptant qu’Il est en effet notre berger, qu’Il
nous mène en nous portant sur son cœur. Alors, en toute confiance,
parce qu’amour et vérité se rencontrent en Lui et qu’Il se donne à nous,
nous hâtons l’avènement du jour de Dieu : et, en effet, le Seigneur est
déjà là.