Homélie du 11/03/18

Cette semaine, j’ai vu une très bonne émission de télé, de vulgarisation de la science médicale, consacrée à la question de la digestion, de l’alimentation. Ce qui était intéressant dans cette émission, c’était que ça ne parlait pas uniquement du ventre, mais aussi des yeux !

Tout d’abord, plusieurs scientifiques expliquaient leurs recherches et  montraient la beauté, la complexité, la richesse du corps humain. Ne jamais l’oublier, ne jamais s’en lasser : contempler la beauté de la création, et c’est bien une des raisons pour lesquelles le Christ utilise de la boue et l’applique sur les yeux de l’aveugle. Il reprend ainsi le geste créateur de Dieu, qui crée l’homme à partir de la boue. L’aveugle-né ouvre les yeux à la beauté de la création.

Dans cette émission, il y a eu aussi l’expérience d’un repas en silence, avec notamment un moment calme où les invités n’avaient rien d’autre à faire que de regarder la personne en face, sans parler, et c’était troublant ! Je pourrais te proposer de faire l’expérience avec la personne qui est assise à côté de toi, que tu la connaisses ou pas d’ailleurs, de la regarder dans les yeux, sans parler. C’est très intime de regarder quelqu’un dans les yeux. C’est cela que le Christ permet de vivre à cet homme malade des yeux, il lui permet de se remettre en relation avec les autres, avec l’intimité de l’autre.

Je précise tout de suite qu’un aveugle a bien sûr des relations avec les autres personnes ; mais ici, dans ce signe particulier de la guérison de l’aveugle-né, Jésus veut te dire quelque chose sur l’ouverture de tes yeux. Jésus veut te dire à travers cet exemple, que tu es fait pour voir, pour connaître, pour entrer en relation avec l’autre, et qu’il veut restaurer profondément en toi cette capacité. Là il le fait avec un geste particulier pour un homme particulier, mais il le fait avec des gestes particuliers pour chacun des êtres particuliers que nous sommes ; pour toi ce sera de telle manière que le Christ va te rejoindre et te restaurer dans ta dignité d’homme ou de femme, pour toi ce sera d’une autre manière. Ce qui est important, ce qui est la clé, c’est de croire que le Christ peut apporter à ta vie quelque chose que tu ne connais pas, quelque chose qui te manque. L’aveugle-né n’avait par définition jamais vu la lumière du soleil ou la lumière d’une lampe, mais, une fois qu’il a ouvert les yeux, il a appris à connaître cette lumière et à vivre avec.

C’est ce que vont vivre les catéchumènes : une fois baptisés, à eux d’inventer la vie qui va avec l’Esprit Saint ! A eux de vivre la vie nouvelle, toute illuminée de l’amour de Dieu. Un baptisé, c’est un illuminé, et il te faut, toi aussi, baptisé de longue date, accepter de te laisser replonger dans l’amour de Dieu et de te laisser rejoindre par la lumière de l’amour de Dieu.

Comme l’aveugle qui découvre la lumière du soleil et qui apprendra toute sa vie à vivre avec, tu n’auras jamais fait le tour de l’amour de Dieu pour toi ! Et si tu trouves que de dimanche au dimanche, les prêtres ne parlent que de l’amour de Dieu et de la manière dont l’homme peut s’ajuster à cet amour, dis-toi que ce n’est pas par manque d’imagination ! Réellement, toutes les semaines (tous les jours même !) tu as besoin (et moi aussi), de te rappeler l’éternelle nouveauté de l’amour de Dieu pour toi, chaque jour, à chaque moment de ta vie !

Le Christ ouvre les yeux d’un aveugle, mais chaque dimanche, par la puissance de la lumière de l’Eucharistie, il vient t’ouvrir le cœur, te rouvrir le cœur. Tout ce qui est cassé, brisé, cadenassé, et moisi en toi par le péché, le Christ vient le restaurer, il vient remettre en état de vivre ta vie de baptisé !

Ta vie de baptisé, c’est d’être enfant de Dieu, et de le devenir en acte. Regarde la première lecture de la messe, ce récit magnifique de l’onction du roi David. La première lecture du dimanche est toujours choisie en fonction du texte d’Evangile. Alors pourquoi, alors qu’on parle de la guérison d’un aveugle dans l’Évangile, l’Eglise te propose de méditer sur le choix de Dieu du futur roi d’Israël ? Bien sûr, c’est pour mettre en exergue le fait que Samuel le prophète a voulu porter un regard trop humain sur le choix du futur roi, et qu’il n’y a que Dieu qui voit au fond du cœur, là où les hommes s’arrêtent à l’apparence… Et c’est important de se rappeler de ça, de ne pas se poser en juge des autres.

Mais je vois aussi dans le choix de ce texte quelque chose de bien plus important : ce texte te rappelle qu’il s’agit pour toi de te laisser choisir par Dieu. David a été élu par Dieu, il a reçu l’onction comme roi d’Israël, il accepté de faire la volonté de Dieu, il accepté d’ouvrir sa vie à ce que Dieu voulait pour lui. Si tu fais de même, alors tu es vraiment fils de Dieu, fille de Dieu.

Il s’agit pour toi d’ouvrir les yeux sur ce que Dieu veut pour toi, non pas seulement à moyen ou long terme (vocation), mais jour après jour, acte après acte, parce que c’est bien là où se décide ta filiation, ta sainteté, dans le concret de ta vie quotidienne, à chaque occasion, à chaque petit rien que tu peux poser dans ta vie. Ta sainteté se joue là, dans ta constance dans l’épreuve, dans la charité que tu déploies, dans l’engagement à servir le monde et l’Eglise.

Le Christ t’invite à ouvrir les yeux comme David le fera plus tard, ouvrir les yeux sur la pauvreté de ton cœur qui a du mal à vivre cette sainteté du quotidien : « Oui, Seigneur, je manque de foi, je manque d’espérance, je manque de charité. Mais Seigneur tu m’ouvres les yeux sur mon péché… pour mieux ouvrir les yeux sur ta bonté »

C’est bien pour cela que tu as besoin de l’eucharistie, cette force de vie divine que Dieu vient déposer en toi pour que tu y puises sans cesse la force et la constance de vivre saintement ! C’est pour cela que tu as besoin de te mettre à genoux, de reconnaître humblement que tu t’es écarté de Dieu, que tu as pris de la distance avec l’amour de toi-même, l’amour des autres, et l’amour pour ton Père des cieux (tiens, justement, ce mercredi, il y a la soirée « j’ouvre les yeux sur mon péché, j’ouvre mes yeux sur la miséricorde de Dieu, j’ouvre les yeux sur le roi, la reine, que le Seigneur m’invite à être).

Seigneur Jésus, dans cette eucharistie, tu veux combattre l’aveuglement de ma vie, tu veux ouvrir mes yeux à tes merveilles, tu veux ouvrir mes yeux à la lumière de ta Parole. Par la présence des catéchumènes, tu m’invites à creuser en moi le désir de te voir toujours plus, et de vivre toujours par toi, avec toi et en toi ! Seigneur Jésus, je t’en supplie, ouvre mes yeux !