Homélie du dimanche 4/02- Bonheur sur toi

Cher ami, au risque d’avoir un infarctus, je reprends la même interrogation que le père Nathanaël te posait la semaine dernière : est-ce que tu as retenu ce qu’il disait dans l’homélie dimanche dernier ? Je préfère ne pas lancer de sondage, j’ai le cœur fragile…

Récapitulons donc les derniers dimanches : il y a quinze jours, le père Damien te parlait du prophète Jonas, qui rechigne à faire la volonté de Dieu et résiste à son appel à devenir prophète, porte-parole du Seigneur.
Dimanche dernier, Nathanaël te parlait de l’Eglise qui continue de porter la parole du Christ en ce monde, cette parole vivante et performante…
Aujourd’hui, tu entends le Christ :« il faut que je proclame l’Evangile, c’est pour cela que je suis sorti ». Une petite question encore : n’y aurait-il pas un fil rouge dans les lectures de ces derniers dimanches, et plus largement dans toute la Bible ?
Etre chrétien, à l’image du Christ dont tu portes le nom c’est être appelé à proclamer l’Evangile, c’est pour cela que tu es sorti des eaux du baptême : proclamer au monde que Dieu l’aime, qu’il le sauve et le ressuscite !

Bien sûr, en te rappelant cela, j’entends l’objection fréquente (encore cette semaine) : en 2018, il est compliqué de parler du Christ…
Certes, mais penses-tu que c’était plus simple avant ?
Plus simple pour saint Martin, au IVème siècle, face à des personnes qui vénéraient un dieu du vin, un dieu de la bière, un dieu et sangliers et que sais-je encore ?
Plus simple pour ces milliers de missionnaires partis de France au XIXe, envoyés par exemple en Papouasie pour parler du baptême à des tribus cannibales ?

Oui, en 2018 c’est aussi compliqué d’évangéliser : on est vissés à nos smartphones, on est pris dans une espèce de culture de masse qui n’est pas toujours le bon terreau pour nous élever intellectuellement, on connait mieux les paroles de Booba, Kaaris et de Céline Dion que les paroles de vie éternelle de notre Seigneur Jésus Christ…

Alors face à cette difficulté, tu peux te replier sur toi, sur ta petite relation à Jésus, genre « oh moi cette année, j’ai pris la résolution de bien prier, mais pas dans un groupe de prière de la Communauté Etudiante (leur manière de faire ne convient pas) et puis aussi faut que je m’occupe des pauvres, si, si, ils l’ont dit l’autre jour à la messe, c’est important de s’occuper des pauvres, car ils sont pauvres et que la pauvreté c’est pas bien ; bon, par contre, l’évangélisation, non, c’est pas pour moi, j’ai pas pris l’option ».
Avoue, à un moment ou à un autre, tu t’es dit « l’évangélisation, c’est en option », ou alors « c’est pour des pros, genre des « charismatiques », des gens un peu foufous qui parlent de Jésus à d’autres gens qu’ils ne connaissent même pas, t’imagine ?? ».

Et ce que je te dis de l’évangélisation, c’est dans la droite ligne de tes craintes vis-à-vis de l’appel à une vocation « non, moi, dans mon ParcoursSup de sainteté, je préfère pas prendre de risque et partir sur un plan de vie genre « bac + 5, la bague, les enfants, les scouts, le monospace » (comme si c’était plus simple !) et laisser de côté ce qui est trop radical ».
Mais au contraire, sois radical, c’est-à-dire littéralement, prend racine dans le Christ, marie-toi, « ordonne-toi », consacre-toi, mais surtout deviens chaud de son Amour, car les tièdes sont à vomir !

Au risque de te déranger dans tes petites pratiques tièdes et dans ta peur d’évangéliser, je te redis la phrase de saint Paul que nous avons entendu tout à l’heure « malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! »
Si tu préfères le prendre en version positive, au lieu de dire « malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile », dis-toi plutôt « bonheur sur moi parce que j’annonce l’Evangile ! »
En te disant cela, je ne cherche pas à gommer l’aspect difficile de la proclamation de la foi, mais, comme le disait Rilke, le poète allemand, « c’est parce qu’une chose m’est difficile que cela m’est une raison supplémentaire de la faire ».
Eh bien, tu vois, en prenant une poésie, c’est à dire les mots d’un artiste, en prenant quelque chose de juste dans la culture populaire, je fais acte d’évangélisation.
Evangéliser ne se limite pas à parler directement du Christ, c’est montrer que le Christ est présent dans tout ce qui est beau, bon et vrai ! Il s’agit de manifester au monde que le Christ le sauve de multiples manières, en donnant sa lumière à tout homme et toute femme de bonne volonté.

L’évangélisation, c’est le travail d’actualisation pour aider l’autre à connaitre le Christ. Et il y a autant de chemin vers le Christ que de personnes sur Terre.
Régulièrement je te parle des 44 000 étudiants aixois qui ne connaissent pas le Christ : ce n’est pas un objectif numéraire que je fixe, c’est mon regard de pasteur sur les brebis qui sont là sans connaître le Bon Berger. Pour être comme le Christ qui veut annoncer l’Evangile, parce que « c’est pour cela qu’il est sorti », il te faut œuvrer tous azimuts.
Parfois ce sera en parlant directement de qui est Dieu, en citant expressément telle ou telle parole de la Bible, parfois, le plus souvent, ce sera par ton témoignage de vie, « est-ce que ce qu’il fait est en adéquation avec ce qu’il croit ? ».

Tu es l’héritier de centaines de générations qui ont vécu du Christ, et qui, à travers l’art, la science, la prédication, la charité ont annoncé l’Évangile.
Une fois on te demandera explicitement de parler de ta foi, 99 autres fois, cela se passera d’une autre manière, en montrant les interactions entre la recherche scientifique et la Bible, entre la beauté du monde et la beauté de Dieu, etc.

En tout cas, il y a un point fondamental pour être évangélisateur (c’est-à-dire, rappelons-le encore, pour être pleinement vivant de ton baptême) : écouter la parole de Dieu, être disciple de la Parole. Là encore, ce n’est pas une option, car, la parole de Dieu est le socle sur lequel tu peux appeler ta vie et sur lequel tout homme et toute femme sur terre peut appuyer sa vie.

Cette semaine au foyer Saint Claire, sœur Faustine nous invitait à être sans cesse plus obéissant à la Parole, c’est-à-dire à se montrer ouvert à la volonté de Dieu !
Plus tu feras sa volonté, plus tu seras un homme et une femme libre ! Fais comme la Vierge Marie, médite la Parole dans ton cœur, et dit au Seigneur « qu’il me soit fait selon ta parole ».

Oui Seigneur, viens me chercher là où j’en suis, avec mes désirs de mieux vivre de toi, avec mes craintes que tu m’emmènes trop loin. Viens Seigneur frapper à la porte de mon cœur, viens réchauffer ce qui est tiède, viens convertir ce qui est tordu. Viens, Seigneur, fais de moi un témoin de ta présence dans le monde. Tu me sauves Seigneur, en me pardonnant, en me parlant, et m’aidant jour après jour : donne-moi de le dire au monde.
Qu’il me soit fait selon ta Parole,
qu’il me soit fait selon ta Parole,
qu’il me soit fait selon ta Parole.